L'amour dure trois ans

"Je souhaiterais être réincarné en magnétoscope VHS pour pouvoir effacer ces images qui me hantent"*, celles du 22 octobre 2011.

22 octobre 2014, aujourd'hui, "je m'habille en noir car je suis en deuil de moi-même"*. Trois ans que j'ai quitté ce monde de beauté, d'insouciance et de naïveté. Mon univers s'est écroulé pour laisser place à la douleur et la souffrance continue. Ces années où je me bats pour ne pas me noyer et garder la tête hors de l'eau même si parfois j'aimerais me laisser aller.

Papa ! Voilà maintenant trois ans que tu nous a laissé. Tu as enduré trop de choses et parfois je me dis que ce repos et cette sereineté, tu l'as mérité. Tu t'es enfui loin des problèmes et de ce noir qui à remplie ton âme. Loin de cette maladie qui chaque jour s'est nourrie de toi.

Aujourd'hui, je me bats pour toi, pour que tu sois fière de moi, de ce que je fais, ce que j'entreprends. Même si parfois, je t'entends raler, même si en regardant ce jeu d'échecs, je t'entends dire que je suis une tricheuse ou une mauvaise perdante, je me dis que tu fais partie intégrante de moi.

On dit que nous sommes 50% de chacun de nos parents, mais ne t'inquiète pas, ta part n'est pas partie avec toi. Je tiendrai tes valeurs, tes opinions et tes habitudes.

Je crierai aux gens quand ils seront perdus au milieu de nul part, de suivre les fils éléctriques car ils mènent toujours aux habitations. Je montrerai que les trompettes de la mort sont les meilleurs champignons en sauce qu'on puisse faire. J'empecherai, moi aussi, à quelqu'un de donner un coup de baton dans un cèpe bordelais parce qu'il l'a pris pour un mauvais. Je dirai oh combien c'est bon de manger une douzaine d'huitres tous les dimanches même si c'est un mois sans R. J'apporterai ma plus grande attention à autrui. Je serai d'une grande écoute. Je donnerai toujours mon point de vue même si parfois il me vaudra de prendre un poing dans la vue. Je n'hésiterai pas à hurler que je suis heureuse même si ce n'est pas vrai. Je cacherai ma tristesse derrière un sourire impécable. Quand ma vie basculera, je serai indégnablement bien.

Et mieux, Papa, je te promets de mourrir avec ce sourire qui dira au monde qu'on a réussi à jouer ce mauvais tour à la vie. Ce sourire malicieux qu'on avait quand on faisait des bétises ensemble, pêcher sans carte, casser une boite à vitesse en m'apprenant à conduire, rigolant pour un rien, se chamallant pour gagner aux cartes, parler fort en disant des bétises pour les voisins curieux qui écoutaient derrière leur fenêtre, faire chavirer le canoé en faisant une bataille d'eau avec les rames et du coup faire sécher un appareil photo en espérant qu'il soit pas foutu, manger des glaces avant le repas et se dire tanpis on mangera plus tard, faire une bataille de pop corn, finir par tout envoyer sur le voisin tellement le film est nul et partir en courant, les bagarres de bisous et les concours de coqs sur les joues. Et enfin, hurler après l'arbitre payé avec une bouteille de vin blanc et une bourriche d'huitres pendant les match de rugby.

On dit que l'amour dure trois ans. Le tien, Papa, durera une éternité. Je t'aimerai toute mon existence et les générations futures apprendront à quel point tu étais un homme exceptionnel. L'amour que tu portais aux gens, à tes enfants, à la vie circule dans mes veines. Jamais je ne t'oublierais.

J'ai perdu l'homme de ma vie mais pas l'homme qui m'a permis de créer mes rêves et de fonder mes projets car tu es une partie intégrante de moi.

Je t'aime Papa !

* Frédéric Beigbeder